Emergence d'un papillon
Alors que je taillais ma haie de Passion (Passiflora edulis), Je remarque une chenille sur le revers d’une feuille. Me rappelant les élevages que je faisais dans la serre de ma Touraine natale je mets cette dernière dans un bocal à confiture accompagnée de jeunes pousses de sa plante nourricière.
Le 31 mars, après plusieurs jours et un oubli de ma part, je mets l’œil sur ce bocal dans lequel la chenille a disparu au profit d’une coque brune. Après la nymphose, la chenille est au stade de la chrysalide.
A l’intérieur du bocal, les végétaux sont en train de pourrir. Je décide de le nettoyer pour éviter que la chrysalide ne paye les fruits de ce pourrissement. J’ouvre le bocal, enlève le plus gros des végétaux en décomposition puis bascule cette coque brune dans le couvercle afin de passer à l’eau le contenant.
C’est en effectuant cette action que je m’aperçois qu’à l’intérieur, ça bouge. La métamorphose est toujours en cours. Ravi de cette nouvelle, je plonge mon bocal dans l’eau, le nettoie puis le sèche.
Quand je reviens sur la table récupérer le couvercle, je comprends que le moment magique est en train de s’accomplir. La coque est brisée.
Je vois le bas de l’abdomen du papillon se tordre dans tous les sens pour s’extirper du cocon qui passe de son statut protecteur à celui d’une prison. Je viens de coucher ma fille, je vais la chercher. Je veux qu’elle assiste à ce moment qui, pour l’instant, est proche d’une lutte pour la vie.
Camille est maintenant avec moi devant ce spectacle. Au moment ou l’enveloppe se casse de toutes parts, le papillon expulse un liquide. Camille me dit qu’il saigne. Il s’agit en fait des résidus de transformation de l’appareil digestif appelé méconium.
Dans un dernier effort, le papillon s’extirpe de la chrysalide et se met à marcher sur la table d’abord, puis à grimper le long de mon paquet de cigarette placé sur sa course par Camille. Lors de cette marche le papillon a l’air d’avoir un abdomen démesuré en rapport avec des ailes visibles mais rabougries.
On le sent mal installé, il glisse, cherche une position pour ne plus bouger. Je demande à Camille de plaquer le paquet de cigarette sur la table, ce qu’elle fait immédiatement. Le papillon à plat repart dans sa quête d’un endroit pour se percher afin de déployer ses ailes.
Le rebord de la table a l’air de lui convenir. Il s’y installe et commence une opération qui semble délicate. Lors de l’émergence, l’imago doit assembler les deux gouttières que la nature lui a fournies pour en faire une trompe qui lui permettra de se nourrir. Ce travail, de notre point de vue semble long et fastidieux.
Camille s’impatiente, elle voudrait le voir voler. Durant ce méticuleux assemblage, les ailes de notre papillon suspendu se sont déployées. Elles arborent leur forme définitive à ce détail près que leur surface donne l’impression de poils ébouriffés car mouillés. Pas de poils sur l’aile d’un papillon mais des écailles qu’il faudra de longues minutes pour sécher.
Le papillon (Simplicia sp.) ne s’est toujours pas envolé, il est temps pour Camille de retourner faire la sieste. Quand à moi, après quelques minutes d’attente, je décide de vaquer à d’autres occupations. Je repasse plus tard, le papillon n’est plus là. Je lui souhaite bon vent.